La loi sur la bioéthique a été adoptée définitivement par le Parlement le 29 juin 2021 après deux années de discussion parlementaire. Ce projet de loi comporte 32 articles qui font couler beaucoup d’encre. Force est de constater que ces derniers comportent des mesures plus sociétales que strictement médicales. Elles s’adressent à une bonne partie de la population. Ainsi, l’Institut National d’Etudes Démographiques a rappelé en juin 2018 que la PMA représente désormais une naissance sur trente (soit 3,4 % en 2018). Certains crient à l’eugénisme concernant le recours aux cellules souches – le Conseil constitutionnel a été saisi à ce propos – d’autres considèrent surtout que l’un des apports majeurs du projet de loi tend à élargir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules et à donner de nouveaux droits pour les enfants qui en sont issus. Il s’agit de faire le point sur les conséquences de cette loi, notamment parce qu’elle implique une réforme de la filiation.

  1. Quelles sont les possibilités pour établir sa filiation en situation de PMA en France et à l’étranger ?

Effets de la PMA réalisée en France :

Historiquement, la procréation médicalement assistée a été légalement autorisée en France à l’époque par la dernière loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011. Elle s’adressait initialement aux couples hétérosexuels – mariés pacsés ou en concubinage – en situation de difficultés de conception (limitativement pour les situations d’infertilité ou de maladie transmissible à l’autre partenaire).

Actuellement, en France, un délai de réflexion d’un à deux mois (selon les cas) est imposé. Les personnes qui souhaitent poursuivre leur parcours de PMA doivent confirmer leur demande par écrit auprès du médecin. Quatre tentatives de fécondation in vitro et six inséminations artificielles sont remboursées par la Sécurité sociale à taux plein. Une insémination artificielle coûte en moyenne 950 euros, et une tentative de fécondation in vitro, entre 3 000 et 4 000 euros, selon les chiffres de l’Assurance-maladie.

La procréation peut être de deux ordres : endogène (réalisée uniquement avec les gamètes et embryons du couple) ou exogène (dans le cas où un tiers donneur fournit ses gamètes). Dans ce second cas de figure, l’intervention d’un tiers donneur est nécessaire et implique bon nombre de complications pour l’établissement de la filiation.

On retient de notre démonstration que la filiation issue d’une PMA est identique à celle d’un enfant né du père et de la mère. Dans tous les cas, la mère de l’enfant sera celle qui accouche. Dans l’hypothèse d’un couple marié, le père présumé est le mari de la mère. Dans l’hypothèse où le couple ne serait pas marié, une reconnaissance de paternité pourra établir la filiation sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer le lien biologique avec l’enfant. Tout lien juridique entre l’enfant et le tiers donneur est de facto exclu et le principe ancré de l’anonymat du donneur donnera nécessairement lieu à une fin de non-recevoir dans le cas d’une éventuelle action en recherche de filiation.

Effets de la PMA réalisée à l’étranger :

La filiation à l’égard de l’enfant issu d’une PMA à l’étranger – qu’elle soit réalisée par un couple hétérosexuel ou homosexuel – ne peut en principe être établie à l’égard du parent d’intention que par la voie de l’adoption et ceci uniquement dans le cas un couple marié. L’adoption ne sera donc possible que si le parent d’intention est marié au parent biologique.

La jurisprudence en date du 18 décembre 2019 (pourvoi de la Cour de cassation arrête n°1113 / 18-14.751) a permis une évolution face à cette interdiction de principe en application de l’article 47 du code civil. Elle a ouvert droit à la reconnaissance de la filiation de l’enfant issu de PMA réalisée à l’étranger par un couple de femmes, ouvrant droit à la retranscription de l’acte de naissance d’un enfant issu de PMA à l’étranger sur les registres de l’état civil français « sauf s’il apparaît que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

On en retient que si l’acte est établi conformément au droit en vigueur dans l’État dans lequel la PMA a été réalisée ou que les faits indiquant que les parents figurant sur l’acte de naissance sont vraisemblablement ceux de l’enfant, l’acte pourra alors être retranscrit sur les registres français afin d’établir la filiation.

Précision étant ici faite que cette solution est jurisprudentielle et non légale. Il n’existe à l’heure actuelle en France donc aucune loi permettant de consolider le recours à la PMA pour les couples homosexuels. Un couple homosexuel peut donc se retrouver confronté au refus de retranscription sur l’état civil – légalement admis – d’un officier d’état civil. Hormis la procédure de l’adoption de l’enfant du conjoint, le seul recours possible dans cette situation consisterait à demander à un avocat de saisir le juge et de faire valoir l’état actuel de la jurisprudence.

Un recours à l’adoption est possible mais les juges n’y sont pas tous favorables. C’est ainsi qu’en 2014, le tribunal de Versailles avait refusé l’adoption à l’épouse de la mère d’un enfant conçu par PMA à l’étranger. La décision avait par la suite été annulée en appel par avis de la Cour de cassation en faveur de l’adoption au sein d’un couple de femmes.

Le projet de loi relatif à la bioéthique pourrait avoir le mérite d’entériner cette polémique vis-à-vis des couples de femmes ou les femmes seules et permettrait d’établir la filiation des deux mères – mariées ou non – vis-à-vis de l’enfant.

  1. Quelles sont les avancées du projet de loi bioéthique pour les couples de femmes ?

Le projet de loi impose deux conditions cumulatives pour établir une filiation en cas de PMA. La première concerne le consentement des deux membres du couple qui ont recours au procédé médicalement assisté. La seconde consiste en un acte de reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire – ouvrant ainsi droit à la deuxième mère d’établir sa filiation à l’égard de l’enfant étant – puisque celle qui accouche sera de facto considérée comme mère de celui-ci. Enfin, la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint demeurera ouverte.

Ce projet de loi ne concerne donc que les femmes en situation de PMA. Les couples d’hommes ne peuvent donc pas, en vertu de l’état actuel du droit français, recourir à une méthode de procréation avec leurs gamètes… sauf s’ils se rendent à l’étranger et qu’ils ont recours à la gestation pour autrui (GPA) en application – comme pour la PMA actuellement – de la jurisprudence européenne et française concernant la retranscription de l’acte de naissance établi à l’étranger pour le parent d’intention – père ou mère.

  1. Quid de la GPA et des possibilités de filiation vis-à-vis de son enfant :

La gestation pour autrui est donc prohibée en l’état actuel du droit français notamment en application du principe de l’indisponibilité du corps humain et de sa non-patrimonialité et de l’article 16-7 du Code civil.

En principe, la consécration jurisprudentielle du lien de filiation légalement établi à l’étranger à la suite d’une convention de mère porteuse peut offrir la possibilité d’une retranscription sur les registres de l’état civil français non seulement en ce qu’il désigne le père biologique mais aussi le parent d’intention – père ou mère.

L’article 4 bis du projet de loi relatif à la bioéthique créerait un article 47-1 du Code civil rappelant l’interdiction de la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant ou faisant apparaître la filiation d’un enfant né d’une GPA lorsqu’il mentionne le parent d’intention.

Ce dernier article ne ferait obstacle ni à une transcription partielle avec le parent biologique ni à l’établissement ultérieur du lien de filiation avec le parent d’intention par la voie de l’adoption.

L’ensemble de ces changements juridiques viendraient en revanche modifier en profondeur les règles de la filiation en droit français en offrant de nouvelles possibilités aux familles.

Le défi de cette loi est double tant il consiste à ne pas trop bouleverser le code civil et ouvrir la voie à un système de filiation non-discriminant pour les couples de femmes.

On aura surtout compris que le fond de la polémique concerne donc la filiation des enfants nés de GPA. Les sénateurs ont d’ailleurs voté pour un strict contrôle par la France de la filiation des enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger. Ils cherchent par là à prohiber toute transcription complète d’un acte de naissance étranger. Ceci évite ainsi une reconnaissance automatique par la France des enfants nés de mère à l’étranger. Une enquête de La Croix publiée début 2020, met en exergue qu’au moins 2 400 femmes – célibataires ou en couple lesbien – vont chaque année en Belgique ou en Espagne dans le cadre d’une PMA. C’est une question sociétale à laquelle les Etats européens répondent tous différemment. Le Danemark permet aux enfants issus de PMA de connaître l’identité de leur donneur. La loi espagnole prévoit au contraire l’anonymat des dons. En France, aucun lien de filiation ne peut à ce jour être établi avec le donneur, même après une levée de l’anonymat.